Étiquette : Le Tripode

  • L’occasion – Juan José Saer

    Bianco, auparavant Burton, après avoir affolé les planches en Angleterre et s’être attiré les sympathies prusses, part à la rencontre de Paris pour proposer les démonstrations de ses pouvoir télékinésiques et kinesthésiques. Mais il fait face à la fronde des positivistes et, humilié, part d’abord en Sicile et de là en Argentine, récupérer un bout de terre promis par le gouvernement dans la pampa.

    Dans la chaleur portègne, lourde et étouffante, il rencontre Antonio Garay Lopez, jeune médecin dont, hasard du destin, la famille est propriétaire de terrains jouxtant ceux de Bianco. S’il ne va lui-même que rarement dans ces contrées, par rancœur familiale, il garde malgré tout contact et visite Bianco. Mais un beau jour et alors que notre gaucho d’adoption revient d’une exploration de ses terres, il trouve sa femme assise lascive dans un fauteuil, face à Garay Lopez, suçotant un cigare et avec une expression de plaisir intense sur le visage, l’autre la regardant d’un air malintentionné. De cet instant, Bianco en est sûr, sa femme le trompe, l’a trompé avec son ami et associé.

    Appelons-le, tout court, Bianco. Qu’il se soit fait appeler Burton à certains moments de sa vie, comme il devait l’expliquer à Garay Lopez, ne se devait qu’à la couleur de ses cheveux, trouvant que s’appeler Bianco pouvait ruiner le crédit accordé à un rouquin. A. Bianco, peut-être, comme l’illustre souvent sa signature lente et soignée, au tracé laborieux et complexe, plus soucieuse d’identification que d’esthétique.
    A. Bianco, écho de ce qui, à d’autres époques, avec aussi été A, mais comme Andrex, A. Burton, et qu’il avait décidé de changer après ses démêlés avec les positivistes à Paris. Andrea Bianco peut-être ? A. Bianco en tout cas, c’est certain, bien que la majuscule première, au lieu d’éclaircir un peu le mystère, à l’inverse, l’épaississe, de sorte que, puisqu’il le préfère, et même si ce nom dément ses origines brumeuses et la couleur de ses cheveux qui, à quarante-six ans, foisonnent encore en touffes ondulées et cuivrées, nous allons l’appeler, pour simplifier, Bianco tout court.

    La suite sur le site des Nouveaux Espaces Latinos !

  • L’enquête – Juan José Saer

    À Paris, un terrible tueur écharpe des vieilles dames. Telle la brume qui drape les rues de la capitale parisienne en cet hiver glaçant, il échappe à la surveillance et à l’enquête bien compliquée du commissaire Morvan. Depuis neuf mois, plus d’une vingtaine de femmes âgées sont tombées entre les griffes sanguinaires du « Monstre de la Bastille », et Morvan n’y voit pas d’issue, tandis que la population et la préfecture s’impatientent.

    De l’autre côté de l’Atlantique, Pigeon Garay revient en Argentine après vingt ans d’absence. Il conte à ses amis cette terrible histoire de meurtres, tandis que d’autres histoires, d’autres enquêtes, d’autres mystères, se rappellent à lui.

    Là-bas, au contraire, en décembre, la nuit tombe vite. Morvan le savait. Et à cause de sn tempérament et peut-être aussi de son métier, presque immédiatement après être rentré de déjeuner, depuis le troisième étage du commissariat spécial du boulevard Voltaire, il guettait avec inquiétude les premiers signes de la nuit à travers les vitres givrées de la fenêtre et les branches des platanes, luisantes et nues en contradiction avec la promesse des dieux, à savoir que les platanes ne perdraient jamais leurs feuilles parce que ce fut sous un platane qu’en Crète le taureau intolérablement blanc aux cornes en demi-lune, après l’avoir ravie sur une plage de Tyr ou de Sidon – en l’occurrence cela revient au même – viola, comme on le sait, la nymphe atterrée.
    Morvan le savait. Et il savait aussi que c’était au crépuscule, lorsque cette boule de fange archaïque et usée qui tourne, obstinément, déplaçait le point où ils s’agitaient, lui, Morvan, et cet endroit appelé Paris, l’éloignant du soleil et le privant de sa clarté dédaigneuse, il savait que c’était à cette heure-là que l’ombre qu’il poursuivait depuis neuf mois, proche et pourtant aussi insaisissable que sa propre ombre, avait coutume de sortir de la mansarde poussiéreuse où elle somnolait et s’apprêtait à frapper. Et elle l’avait déjà fait – tenez-vous bien – vingt-sept fois.

    Prépare-toi, lectrice, lecteur, ma toute belle, à plonger dans les méandres d’esprits tortueux, torturés, égarés et égarants, avec toute la délectation que nous offre l’écriture complexe et piégeuse de Juan José Saer. Piégeuse, car une fois emportée par le rythme endurant et digressif de ses phrases, impossible d’en sortir !
    Pigeon Garay revient donc en Argentine après vingt ans d’absence. Il y retrouve son vieil ami Tomatis ainsi qu’un ami de celui-ci, le plus jeune Soldi, alias Pinocchio. Son retour au pays se double de l’entrée dans une énigme littéraire, celle d’un mystérieux dactylogramme retrouvé dans les affaires du récemment décédé poète Washington Noriega, dont l’auteur et la date d’écriture restent inconnu-es et qui conte la guerre de Troie depuis la conversation de deux soldats, l’un jeune, l’autre âgé. Pigeon est aussi confronté à ses propres mystères, celui de sa redécouverte de ce pays retrouvé après vingt années et celui de son frère, Chat, mystérieusement disparu sans laisser de traces.
    Tandis qu’il raconte à ses amis l’enquête sordide du commissaire Morvan qui a défrayé la chronique parisienne, les réflexions de chacun se mêlent et tracent des chemins improbables, apportant des eaux troubles à des moulins aériens. Chacune des enquêtes, la littéraire, la policière, la familiale, plonge doucement dans l’intime, dans la psyché, les trames s’entre-nourrissent et s’effilochent, se retissent et se dispersent.

    Juan José Saer s’amuse avec les genres, il nous propose un magnifique personnage de commissaire qui erre dans les rues brumeuses de Paris et dans le labyrinthe des esprit criminels les plus terrifiants. Il nous promène en parallèle dans la construction d’un récit narratif, ce que l’on y trouve, ce que l’on y met, ce que l’on y cherche aussi. Que ce soit dans cette violente et trouble enquête policière, ce mystérieux roman entre deux soldats qui voient et vivent différemment une même guerre ou encore le puzzle inachevé d’une vie presque multiple entre deux continents, on se perd et se plaît à chercher une vérité dont l’unicité est, à n’en pas douter, inexistante.

    Une enquête qu’on garde en tête longtemps, et dont on se surprend à chercher, encore et toujours, une résolution qui nous est propre. Un vrai bonheur littéraire !

    Traduit de l’espagnol (Argentine) par Philippe Bataillon
    Le Tripode
    190 pages

  • Le nazi et le barbier – Edgar Hilsenrath

    Max Schulz a grandi à Wieshalle, près de l’angle des rues Schiller et Goethe. Fils bâtard d’un potentiel de 5 pères, élevé par un beau-père violeur d’enfants et médiocre coiffeur, il passe son enfance et son adolescence avec Itzig Finkelstein, le fils juif du coiffeur juif Chaïm Finkelstein et de sa femme Sarah Finkelstein. Puis arrive une bien étrange moustache, et Max Schulz se rue allègrement dans le fanatisme nazi : SA puis SS, génocidaire au camp de Laubwalde en Pologne. Après la guerre, de retour en Allemagne, il faut sauver sa peau. Un nazi, surtout génocidaire, est une denrée recherchée par les Américains comme les Soviétiques…

    Je me présente : Max Schulz, fils illégitime mais Aryen pure souche de Minna Schulz, au moment de ma naissance servante dans la maison du fourreur juif Abramowitz. Mes origines aryennes pure souche ne font aucun doute, car l’arbre généalogique de ma mère, ladite Minna Schulz, sans aller jusqu’à la bataille d’Arminius, remonte au moins jusqu’à Frédéric le Grand. Tout de même. Je ne peux pas dire avec certitude qui était mon père, mais une chose est sûre, c’était l’un des cinq suivants :
    HUBERT NAGLER, le boucher ;
    FRANZ HEINRICH WIELAND, le serrurier ;
    HANS HUBER, l’apprenti maçon;
    WILHELM HOPFENSTANGE, le cocher;
    Ou ADALBERT HENNEMANN, le majordome.
    J’ai fait examiner en détail les arbres généalogiques de chacun de mes cinq pères, et je peux vous assurer que l’origine aryenne de chacun des cinq a été établie de manière irréfutable.
    […]Itzig Finkelstein habitait la maison d’à côté. Il avait mon âge ou, pour être plus précis… permettez-moi de le dire comme ça : Itzig Finkelstein a vu le jour exactement deux minutes et vingt-deux secondes après que la sage-femme Marguerite Grosbide m’eut délivré d’un coup sec et vigoureux de l’obscur ventre de ma mère… si tant est qu’on puisse parler de ma vie comme d’une délivrance… car tout compte fait, mon parcours tendrait plutôt à prouver le contraire.

    Lectrice, lecteur, ma vie, je t’invite à te plonger dans l’esprit tortueux de Max Schulz, alias Itzig Finkelstein, génocidaire et barbier. Dans ce style cru, cynique et drôle qui le caractérise, Edgar Hilsenrath nous raconte le nazisme et la guerre du point de vue d’un SS, homme plutôt moyen dans tous les domaines (sauf l’art de la coiffure, peut-être). Max Schulz l’aryen ressemble aux caricatures des juifs, nez crochu, lèvres charnues, cheveux noirs, tandis qu’Itzig Finkelstein le juif illumine les rues de sa blondeur et vole au ciel le bleu de ses yeux. Enfants, souvent on les confond, prenant l’aryen pour le juif. Longtemps, Max n’en a cure. Et puis il voit le Messie lors de son Sermon sur la Montagne, qui prend l’apparence d’un discours du petit moustachu moisi bas du front à Wieshalle. Dès lors, et sans plus se poser de questions, il mettra sa petite pierre à l’édifice du nazisme, de la guerre et de l’extermination des Juifs d’Europe. Après maintes péripéties impliquant une crise cardiaque, une ogresse avide de dieux déchus et une veuve de guerre, il gagne Berlin où il met en place son plan de survie. Il deviendra son ami d’enfance Itzig, fils de Chaïm, juif et barbier. Il se gavera jusqu’à plus soif de l’histoire du peuple juif, de ses traditions, de ses ambitions, et c’est donc en toute logique qu’il quittera l’Allemagne pour participer à la création d’Israël. Bien qu’être humain moyen à tendance médiocre, Max Schluz, alias Itzig Finkelstein n’est pas pour autant un abruti. Il nous raconte dans les moindres détails la toile infinie de ses pensées et de ses identités qui finissent par se fondre, se repousser. S’il n’interroge pas directement son rôle dans la Shoah et sa part de responsabilité, il épouse la souffrance des Juifs avec tant de sincérité (la même qui l’a conduit à embrasser le nazisme et à mitrailler des Juifs devant des fosses communes à Laubwalde) que ses personnalités s’interrogent, s’exilent, se cherchent au fil de sa vie, de sa transmutation et de son voyage, des ruines de Berlin à la forêt des six millions.

    […] Et je peux voir le vent. Je peux le voir !
    Et il me semble que le vent vient de la forêt des six millions. Le vent ! Et le vent agrippe les rideaux blancs devant ma fenêtre. Et les secoue.
    Et peu à peu ils s’obscurcissent, les rideaux de la fenêtre. Deviennent de plus en plus sombres, se décrochent, deviennent des ailes, des ailes noires, commencent à battre, se laissent porter par le vent, le vent venu de la forêt des six millions. Et les ailes me saisissent, agrippent mes bras écartés. Et le vent me soulève, porte mes ailes, et me porte aussi. Quelque part. Là-bas !

    Comme dans Le retour au pays de Jossel Wassermann, c’est peut-être le vent qui aidera Max Schulz à se retrouver. Dans son souffle chaud, transportant avec lui la mémoire des morts et l’histoire de chacun, de Pohodna à Beth David, de Laubwalde à L’Exitus, à la recherche de l’esprit de Dieu, de l’esprit des gens et de la vérité, Max Schulz alias Itzig Finkelstein, génocidaire et pionner d’Israël trouvera peut-être une forme de libération, à défaut de l’entendement. Mais peut-être que, comme de Dieu, il n’existe pas de vérité entendable.
    Le vent continuera de souffler, apportant à nous les paroles inaudibles de chaque arbre de la forêt des six millions.

    Traduit de l’allemand par Jörg Stickan & Sacha Zilberfarb
    Le Tripode / Points
    490 pages

  • Les certitudes du doute – Goliarda Sapienza

    Nous sommes au début des années 80. Goliarda Sapienza approche des 60 ans et retrouve une vie pauvre de femme libre dans Rome, après son passage à la prison de Rebibbia. Alors qu’elle se rend au Palais de justice, un rire la happe au passage. Elle reconnaît là Roberta, sa jeune compagne de cellule à Rebibbia. Avec ces retrouvailles, c’est une effusion d’émotions, de souvenirs et de questions qui submerge Goliarda. C’est au plus profond des réflexions engendrées par ce tourbillon, au milieu des rues engorgées de Rome, que nous plonge ce récit.

    Roberta, de 30 ans sa cadette, est une jeune femme telle que Rome et l’Italie seules peuvent en faire. Perdue et présente, libre et prisonnière de son histoire, débridée, indomptable, forte et enfantine.  Ce tourbillon de jeunesse et de rage va plonger Goliarda dans un désir et une passion forte. À travers Roberta, elle va revivre et retrouver ses compagnes de prison, elle l’intellectuelle et ancienne prisonnière de droit commun, n’a que ces femmes si éloignées d’elle pour comprendre et partager ses souvenirs d’enfermement, ce sentiment ancré dans la chair, cette horloge imposée qui a rythmé leur vie pendant plus ou moins longtemps. Longtemps impliquée dans la résistance, elle regarde aujourd’hui la société italienne avec recul et ne sait plus trop quoi attendre des mouvements anarchistes, des révoltes et mobilisations citoyennes. Roberta, elle, s’y embrase, se précipite dans ces luttes contre l’injustice. Jeune femme pauvre, elle a passé une bonne moitié de sa vie en prison, et l’autre partie à soutenir, accompagner et aider celles et ceux qui y sont ou y ont un proche. Au fil de leur promenades dans les rues agitées de Rome, Goliarda découvrira la vie et l’agitation intérieure de Roberta et interrogera ses propres sentiments, cette passion improbable pour celle qui pourrait être sa fille et qui lui ressemble tant. Elle pourra, à travers cette relation, repenser également les luttes sociales et politiques dans l’Italie des années 80.

    Depuis qu’on m’avait flanquée hors de la prison, dans l’attente du jugement, je m’étais mise moi aussi à parcourir ces petites rues pavées de sampietrini qui mènent sans s’interrompre des abords du piazzale Clodio à l’intérieur du nouveau palais de Justice : ce parcours était censé montrer (dans l’esprit progressiste de l’architecte) que désormais la justice était descendue de son trône inaccessible et secret et qu’elle s’exerçait dans les rues, sous les yeux de tout le monde, à portée de quiconque avait envie de prendre part au cérémonial… Voilà ce que je ruminais en moi-même, en me moquant de cette énième utopie du XXème siècle qui s’effondrait lamentablement. Désormais, des barrières et de véritables murs de poitrines et de bras chargés d’armes à feu barraient le passage tous les quatre, cinq mètres ! …

    Ce court récit autobiographique fourmille et déborde. D’émotions, d’abord, bouillonnantes sous le soleil et l’agitation romaine. Ce désir de Goliarda pour Roberta est-il amoureux, sexuel, intellectuel ? Ou bien s’agit-il d’une projection d’un désir de vie et d’engagement, d’un miroir qui renvoie à l’autrice sa propre jeunesse et ses interrogations sur les luttes politiques et sociales ? Quelle est sa place aujourd’hui, intellectuelle, actrice et pauvre, ancienne prisonnière érudite parmi ces femmes prolétaires et oubliées. Ses marches dans les rues de Rome avec Roberta, entre anciennes connaissances, lieux interlopes et réunions politiques, la plongeront dans une réflexion pour se retrouver soi-même et parmi les autres, faire la synthèse de ses différentes facettes toutes légitimes et représentatives d’un moment de sa vie, accepter que certaines choses soient finies, d’autres impossibles, inatteignables, en s’imprégnant de la vie trépidante d’une ville éveillée dans un monde ébranlé et peut-être sur le point de s’effondrer.

    Traduit de l’italien par Nathalie Castagné
    Le Tripode
    197 pages

  • Le retour au pays de Jossel Wassermann – Edgar Hilsenrath

    Jossel Wassermann, originaire de Pohodna en Bucovine, a fait fortune en Suisse et y est mort. Il lègue à son neveu une partie de sa fortune, et au shtetl le reste. Il veut aussi que le scribe du village écrive son histoire.
    Mais Jossel Wassermann meurt en août 1939, et quelques mois plus tard, les habitants du shtetl sont poussés dans des wagons à bestiaux, direction l’Est paraît-il. Mais va-t-on quand même à l’Est quand on y habite déjà ? Jankl le porteur d’eau a-t-il bien fait de cacher le testament de son oncle dans sa cour ? Cet héritage lui permettra-t-il d’épouser la fille du cordonnier ?
    Non, bien sûr que non, car il est fort à parier que Jankl, la fille du cordonnier, le cordonnier, et les autres, ne reviendront pas de ce voyage qui les emmène non pas vers l’Est, mais plutôt vers le Nord-ouest, dans la brume et les cendres d’une barbarie dont on devine des contours qu’on essaie d’effacer.
    Sur la route, le rabbin confie les mots des Juifs au vent, et les mots racontent au vent l’histoire du shtetl et l’histoire de Jossel Wassermann, dont les ancêtres posèrent malles et kippa à Pohodna sous le règne de François-Joseph. Famille historique du shtetl, les fils de vie des Wassermann se tissent avec ceux de Pohodna, mais aussi à ceux de l’empire austro-hongrois et des Juifs d’Europe. Ils seront les derniers souvenirs d’un petit village perdu dans l’immensité de l’Europe centrale, plongé dans les fracas métalliques des rages humaines et qui, d’un claquement de talon, disparut.

    Il avait neigé toute la nuit, mais au petit matin, quand les Juifs du schtetl se dirigèrent vers la gare avec leurs baluchons et leurs valises, les nuages s’écartèrent, et un petit morceau de ciel d’un bleu pâle s’ouvrit au-dessus de la gare. C’était très clair. Tout là-haut, le bon Dieu avait percé un trou dans les nuages pour voir encore une fois les derniers Juifs, avant leur départ. Peut-être aussi Dieu voulait-il voir le schtetl une dernière fois car les choses ne seraient plus jamais ce qu’elles avaient été.

    Edgar Hilsenrath nous promène par le bout du nez dans cette histoire douce-amère, au rythme imposé par cet humour piquant, acéré et grave, qui nous plonge dans des montagnes russes d’émotions. La succession d’anecdotes cocasses empreintes de cet humour juif qui cerne si bien l’absurdité des gens et du monde donne au texte cette pesante légèreté de l’histoire dont on connaît la fin avant même de commencer.

    Seul le vent sera là jusqu’au bout, et tentera de porter la parole des Juifs, de trouver du sens à la conservation de ces paroles, à cette transmission, car de quoi est-elle le symbole, si ce n’est de l’espoir que le monde continuera ?

    Traduit de l’allemand par Christian Richard
    Le livre de poche / Le Tripode
    315 pages