Catégorie : Europe Centrale

  • Baba Yaga a pondu un œuf – Dubravka Ugrešić

    Pupa, Kukla et Beba partent en goguette et en séjour thermal dans un grand hôtel-spa de Prague. Les trois vieilles dames, retraitées croates, y croiseront des personnages au moins aussi rocambolesques qu’elles-mêmes lors de situations aussi improbables qu’absurdes et révélatrices. Mais avant, mais après, ce ne sera pas tout, et le livre reste à se révéler dans un suspense étonnant.

    Au premier abord, elles passent inaperçues. Puis, soudain, telle une souris égarée, un détail anodin se fraie un chemin dans votre champ de vision : un sac à main désuet, un bas qui a glissé le long de la jambe pour s’arrêter sur une cheville enflée, des gants en crochet aux mains, un bibi démodé sur la tête, de rares cheveux gris aux reflets violets. La propriétaire du chatoiement violet hoche la tête comme un chien mécanique et sourit d’un sourire blême…
    Oui, au premier abord elles sont invisibles. Elles passent à côté de vous comme des ombres, picorent l’air devant elles, tâtonnent, traînent leurs pieds sur l’asphalte, marchent à petits pas de souris, traînent un Caddie, s’appuient sur des cannes métalliques, ceintes d’une multitude d’improbables sacs et cabas, tel un déserteur encore en attirail militaire complet. Il y en a aussi qui sont encore « en forme » : en robe d’été décolletée, une coquette bordure de plumes autour du col, en vieux manteau de fourrure d’astrakan à moitié mangé aux mites, des coulées de maquillage sur le visage. (Qui, d’ailleurs, est capable de se maquiller convenablement avec des lunettes sur le nez?!)
    Elles roulent à côté de vous comme un tas de pommes fripées. Elles marmonnent dans leur barbe, discutant avec leurs interlocuteurs invisibles comme des Indiens. Elles prennent le bus, le tram et le métro comme des bagages oubliés : elles dorment la tête posée sur la poitrine ou restent aux aguets, se demandant à quelle station il faut descendre et s’il faut descendre tout court.

    Avant nos trois petites vieilles, c’est l’histoire d’une fille déjà bien grande, écrivaine émigrée qui rend visite à sa mère en Croatie et fait, pour elle, le voyage dans le village des origines et des vacances d’été, en Bulgarie. C’est le récit de la vieillesse de sa mère, entre maladie, habitudes et perte de repères, et de sa place à elle, la fille, l’enfant, au milieu des attentes et des souvenirs, des changements et des peurs de chacune.
    Après, c’est la lettre du Dr. Aba Bagay, folkloriste spécialiste du folklore slave, de répondre à un éminent éditeur qui cherche à comprendre les liens entre nos deux histoires précédentes et le mythe de Baba Yaga, en vue de l’éditions du roman. Et mon tout, cet oeuf pondu, c’est un récit/roman méta fascinant et drôle, érudit et introspectif. Mais voyons, glissons-nous dans cette coquille.

    Dubravka Ugrešić raconte non seulement la vieillesse, mais surtout les vieilles dames, celles qu’on oublie, qu’on rabaisse. Ces femmes dont le rôle reproductif est achevé depuis longtemps et qui, souvent veuves, n’ont même plus le mérite de veiller sur un mari sénile. Celles dont le corps n’en finit plus de leur échapper, suivi parfois par un peu de leur esprit. Ces vieilles femmes dont les gens et les histoires ont très tôt fait des sorcières, diverses et variées selon les pays et les cultures. Balkans oblige, ici c’est la célèbre Baba Yaga qui sera la représentante, l’allégorie, l’élue, le mètre-étalon de la vieille. Parce que les vieilles dames sont des sorcières. Elles mangent des enfants, empoisonnent les jeunes couples, séduisent les jeunes hommes et jalousent les jeunes femmes. Elles ont les seins qui tombent jusqu’au sol, des jambes de bois ou d’os, de mauvais yeux et de l’aigreur à revendre.
    Chez Dubravka Ugrešić, les vieilles dames rencontrent aussi de jeunes hommes très beaux prêts à leur rendre service, elles défient la mafia russe et ont eu une vie forte, dure et parfois lourde derrière elles. Les vieilles dames sont des déesses, des sorcières, des êtres humains.

    Avec deux histoires en miroir, prolongement ou opposition l’une de l’autre, elle donne déjà à voir plusieurs images de la vieillesse. D’un côté celle renvoyée par la fille (que l’on image pas toute jeune non plus, sans doute) dont la mère s’échappe, agace aussi sans doute un brin. La seconde, truculente et rocambolesque, nous amène à Prague avec nos trois vieilles qui viennent prendre un peu de bon temps. Racontée avec toute la célérité et la virtuosité d’un conte slave, cette partie-là confronte nos vieilles avec des vieux, avec des jeunes, avec la modernité et le passé, une histoire morcelée comme celle de leur pays et de cette région dans laquelle il n’y a pas besoin d’être très vieux pour avoir une histoire de guerre à raconter. Elles, elles en ont plusieurs, plus des rêves en lambeaux et des espoirs brisés, comme une coquille.
    La troisième partie, surprenante, nous livre en méta une analyse des deux premières par le prisme de la figure de Baba Yaga, donc. Et c’est absolument fascinant. Cette figure mythique, pas très bien connue de par chez nous (je ne sais pas toi, mais mes connaissances sur le sujet étaient assez fines) a pourtant des émules et des ramifications dans toute l’Europe, pour ne pas dire dans tout le monde. Parce que les vieilles dames sont partout. Analysant la figure de cette sorcière culte des contes slaves, le Dr Aba Bagay nous propose une vision d’ensemble étayée et pointue de la manière dont les sociétés ont considéré leurs vieilles et de celles qui sont venues jusqu’à nous. La mère, l’épouse, la putain, mais aussi la divinité, quatrième face d’une trinité bien restrictive et qui a pu justifier de l’inquisition aux lapidations.

    Elle raconte aussi les fissures d’une région déchirée depuis longtemps et dont les frontières vibrent encore. Nos protagonistes sont né-es dans un pays qui n’existe plus, écartelé et décimé par les nationalismes. Son héroïne-alter-ego déteste d’ailleurs le folklore, qui sert de terreau aux patriotes et de simplificateur aux étonnés étrangers, et sa folkloriste bulgare de la troisième partie rendra aux mythes et contes leur complexité et à Baba Yaga sa puissance.

    Alors installe-toi bien confortablement dans ton mortier, donne un coup de pilon pour décoller, un peu de balayage pour dissimuler tes traces et découvre la puissance et la complexité de vieillir avec ces visages de Baba Yaga. Regardons, enfin, les puissantes, celles qu’on ignore et que l’on craint. Rejoignons l’internationale des babas.

    Traduit du croate par Chloé Billon
    Éditions Christian Bourgois
    454 pages

  • Le nazi et le barbier – Edgar Hilsenrath

    Max Schulz a grandi à Wieshalle, près de l’angle des rues Schiller et Goethe. Fils bâtard d’un potentiel de 5 pères, élevé par un beau-père violeur d’enfants et médiocre coiffeur, il passe son enfance et son adolescence avec Itzig Finkelstein, le fils juif du coiffeur juif Chaïm Finkelstein et de sa femme Sarah Finkelstein. Puis arrive une bien étrange moustache, et Max Schulz se rue allègrement dans le fanatisme nazi : SA puis SS, génocidaire au camp de Laubwalde en Pologne. Après la guerre, de retour en Allemagne, il faut sauver sa peau. Un nazi, surtout génocidaire, est une denrée recherchée par les Américains comme les Soviétiques…

    Je me présente : Max Schulz, fils illégitime mais Aryen pure souche de Minna Schulz, au moment de ma naissance servante dans la maison du fourreur juif Abramowitz. Mes origines aryennes pure souche ne font aucun doute, car l’arbre généalogique de ma mère, ladite Minna Schulz, sans aller jusqu’à la bataille d’Arminius, remonte au moins jusqu’à Frédéric le Grand. Tout de même. Je ne peux pas dire avec certitude qui était mon père, mais une chose est sûre, c’était l’un des cinq suivants :
    HUBERT NAGLER, le boucher ;
    FRANZ HEINRICH WIELAND, le serrurier ;
    HANS HUBER, l’apprenti maçon;
    WILHELM HOPFENSTANGE, le cocher;
    Ou ADALBERT HENNEMANN, le majordome.
    J’ai fait examiner en détail les arbres généalogiques de chacun de mes cinq pères, et je peux vous assurer que l’origine aryenne de chacun des cinq a été établie de manière irréfutable.
    […]Itzig Finkelstein habitait la maison d’à côté. Il avait mon âge ou, pour être plus précis… permettez-moi de le dire comme ça : Itzig Finkelstein a vu le jour exactement deux minutes et vingt-deux secondes après que la sage-femme Marguerite Grosbide m’eut délivré d’un coup sec et vigoureux de l’obscur ventre de ma mère… si tant est qu’on puisse parler de ma vie comme d’une délivrance… car tout compte fait, mon parcours tendrait plutôt à prouver le contraire.

    Lectrice, lecteur, ma vie, je t’invite à te plonger dans l’esprit tortueux de Max Schulz, alias Itzig Finkelstein, génocidaire et barbier. Dans ce style cru, cynique et drôle qui le caractérise, Edgar Hilsenrath nous raconte le nazisme et la guerre du point de vue d’un SS, homme plutôt moyen dans tous les domaines (sauf l’art de la coiffure, peut-être). Max Schulz l’aryen ressemble aux caricatures des juifs, nez crochu, lèvres charnues, cheveux noirs, tandis qu’Itzig Finkelstein le juif illumine les rues de sa blondeur et vole au ciel le bleu de ses yeux. Enfants, souvent on les confond, prenant l’aryen pour le juif. Longtemps, Max n’en a cure. Et puis il voit le Messie lors de son Sermon sur la Montagne, qui prend l’apparence d’un discours du petit moustachu moisi bas du front à Wieshalle. Dès lors, et sans plus se poser de questions, il mettra sa petite pierre à l’édifice du nazisme, de la guerre et de l’extermination des Juifs d’Europe. Après maintes péripéties impliquant une crise cardiaque, une ogresse avide de dieux déchus et une veuve de guerre, il gagne Berlin où il met en place son plan de survie. Il deviendra son ami d’enfance Itzig, fils de Chaïm, juif et barbier. Il se gavera jusqu’à plus soif de l’histoire du peuple juif, de ses traditions, de ses ambitions, et c’est donc en toute logique qu’il quittera l’Allemagne pour participer à la création d’Israël. Bien qu’être humain moyen à tendance médiocre, Max Schluz, alias Itzig Finkelstein n’est pas pour autant un abruti. Il nous raconte dans les moindres détails la toile infinie de ses pensées et de ses identités qui finissent par se fondre, se repousser. S’il n’interroge pas directement son rôle dans la Shoah et sa part de responsabilité, il épouse la souffrance des Juifs avec tant de sincérité (la même qui l’a conduit à embrasser le nazisme et à mitrailler des Juifs devant des fosses communes à Laubwalde) que ses personnalités s’interrogent, s’exilent, se cherchent au fil de sa vie, de sa transmutation et de son voyage, des ruines de Berlin à la forêt des six millions.

    […] Et je peux voir le vent. Je peux le voir !
    Et il me semble que le vent vient de la forêt des six millions. Le vent ! Et le vent agrippe les rideaux blancs devant ma fenêtre. Et les secoue.
    Et peu à peu ils s’obscurcissent, les rideaux de la fenêtre. Deviennent de plus en plus sombres, se décrochent, deviennent des ailes, des ailes noires, commencent à battre, se laissent porter par le vent, le vent venu de la forêt des six millions. Et les ailes me saisissent, agrippent mes bras écartés. Et le vent me soulève, porte mes ailes, et me porte aussi. Quelque part. Là-bas !

    Comme dans Le retour au pays de Jossel Wassermann, c’est peut-être le vent qui aidera Max Schulz à se retrouver. Dans son souffle chaud, transportant avec lui la mémoire des morts et l’histoire de chacun, de Pohodna à Beth David, de Laubwalde à L’Exitus, à la recherche de l’esprit de Dieu, de l’esprit des gens et de la vérité, Max Schulz alias Itzig Finkelstein, génocidaire et pionner d’Israël trouvera peut-être une forme de libération, à défaut de l’entendement. Mais peut-être que, comme de Dieu, il n’existe pas de vérité entendable.
    Le vent continuera de souffler, apportant à nous les paroles inaudibles de chaque arbre de la forêt des six millions.

    Traduit de l’allemand par Jörg Stickan & Sacha Zilberfarb
    Le Tripode / Points
    490 pages

  • Miracle à la combe aux Aspics – Ante Tomić

    Dans les montagnes au-dessus de Split, en Croatie, vit la famille Aspic. Ou du moins une partie. Tandis que la majorité de la famille a préféré rejoindre la côte et les villes, Jozo l’irréductible, est resté dans la montagne, au grand détriment de sa femme Zora, avec leurs 4 fils. Les Aspics, ce sont des vrais, des durs. Mais après la mort de Zora, la maisonnée se laisse un peu trop aller. La vaisselle est mal faite, la lessive traîne, les boutons sont dépareillés. Le curé du village d’à côté est formel, il faudrait bien que l’un des fils se marie pour qu’une femme reprenne un peu ces garçons en main. Krešimir, l’aîné des fils, est plutôt d’accord, et décide de partir à la recherche d’une femme à épouser. Mais pas n’importe laquelle. Il voudrait bien retrouver cette jeune femme qui a tant fait battre son cœur lorsqu’il était soldat. En quittant la petite combe dans laquelle il a grandi pour mener sa quête à bien, ni lui, ni ses frères, ni son père, n’imaginait combien la possibilité d’un mariage bouleverserait leur vie à ce point !

    Chapitre un

    Consacré aux dizaines de manières de préparer la polenta, aux choses à ne pas faire lorsqu’on lave des vêtements de couleur, et à la soupe servie dans un cendrier. Deux hommes manquent de se faire assassiner, un autre désire se marier, et l’on ne sait pas qui est le plus à plaindre.


    Loin dans les montagnes se niche la Combe aux Aspics. Difficile à trouver, cachée, protégée comme une forteresse, avec une unique route praticable à travers un défilé sinueux qui après un dernier contour, s’élargit soudainement sur un plateau karstique, pour buter, à peine deux cents mètres plus loin, sur une falaise à pic. Là, sur cette terre rocailleuse, rarement ensoleillée, s’étalent quelques champs de trèfle, deux ou trois rangs de patates et de pois chiches, deux insignifiants lopins d’oignons arrachés à grand-peine à l’enchevêtrement de ronces, de frênes et de charmes. Les fleurs orange des citrouilles rôtissent sur une minuscule parcelle défrichée ceinte d’un muret de pierres sèches.

    Lectrice, lecteur, ma tendresse, prépare-toi à un périple ébouriffant ! La recherche de l’amour peut prendre bien des formes, mais jamais elle n’a été aussi folle.

    Les Aspics, tribu bourrue et bien peu subtile, vivent en totale autarcie dans leur combe. Détestant tout ce qui ressemble à une autorité supérieure, hormis celle qui porte crucifix, toute ingérence est une menace face à laquelle la seule réponse sera le fusil, pour les plus délicats… Jozo, le père, ne jure que par la polenta et l’isolement. Krešimir, l’aîné, ancien soldat, aime la mécanique et ne comprend pas grand-chose au jeu délicat de la séduction. Les jumeaux Branimir et Zvonimir ont un certain penchant pour les armes et les embrouilles. Le petit dernier, Domagoj, tente de cacher en vain que toute cette brutalité n’est pas vraiment à son goût. Ce sont pourtant des hommes curieux et naïfs qui se révèlent au fil des péripéties rocambolesques qui leur tombent sur le coin du nez. On retrouve ici tout l’humour et la dérision de la littérature d’Europe centrale, et sous la couche de crasse épaisse dégrossi au burin, des personnages drôles et touchants (et d’autres encore plus sales et méchants) qui jouent de leurs propres stéréotypes dans un enchaînement de situations toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Au fil de rencontres et de coïncidences improbables, la vie des Aspics et de celles et ceux qui croiseront leur chemin, tout·es finalement au moins aussi barré·es que nos rudes gaillards, s’emplira de folie et de découverte, la plus belle restant, bien évidemment, l’amour et tout son cortège d’émotions fortes, et sa transcendance.

    Miracle à la combe aux Aspic est un roman foutraque, léger et entraînant, qui emballe dans un humour absurde une bien belle leçon d’humanité et des personnages avec lesquels, si l’on n’est pas complètement sûr·es de vouloir les croiser en vrai, on passerait bien un peu plus de temps !

    Traduit du croate par Marko Despot
    Editions Noir sur blanc
    202 pages

  • La fabrique d’Absolu – Karel Čapek

    Le président du Conseil d’Administratif des entreprises MEAS, G-H Bondy, est bien aise : son ancien camarade de poytechnique l’ingénieur Marek a inventé quelque chose d’incroyable ! Entendez donc, une chaudière, qui avec un simple et petit morceau de charbon, peut produire de l’énergie pendant des jours et ne produit aucun déchet. AUCUN ! Et ce cher Ruda Marek veut faire don de son invention. N’est-ce pas formidable ? Bon, évidemment, il doit y avoir baleine sous gravillon. Le Carburateur, comme il a été bien mal baptisé, n’est pas si zéro déchet que ça. Presque, mais pas tout à fait. Il produit un résidu, invisible, inodore. Un résidu qui s’immisce dans l’esprit des gens et développe instantanément leur mysticisme. Il émane de ces Carburateurs de l’Absolu !

    Mais crénom, est-ce une raison pour ne pas exploiter cette merveilleuse et si rentable invention ? Non, pas pour le président G-H Bondy, qui lance la production à la chaîne de Carburateurs et mise sur leur exportation massive ! Après tout, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
    Pourtant, comme l’avait craint l’ingénieur Marek, l’Absolu n’est pas si anodin. Cela commence par des crises de foi, des miracles (lévitation, guérison), des banquiers qui vident les coffres au profit des plus pauvres, des propriétaires qui donnent leurs immeubles aux locataires. Mais l’Absolu n’a pas fini de nous épater. Il s’empare également des machines et apprend à produire. Avec quelle puissance ! Le plan quinquennal de l’URSS ne s’en remettrait pas. Il tisse, coupe, cloute, débite et démonte avec une efficacité toute surnaturelle. Bien évidemment l’économie mondiale commence à en prendre un coup. Et ce n’était que le début…

    Car cette divinité, ce pouvoir céleste, qui est-il ? Quel Dieu se manifeste ainsi auprès des peuples ? Il n’y a pas de question plus coupante que celle-ci, et on sait, toi comme moi, lectrice, lecteur, de quelle manière notre chère humanité a tendance à y répondre. Derrière le ronronnement des Carburateurs, le conflit gronde.

    Le 1er janvier 1943, G.-H. Bondy, Président du Conseil d’Administration des Entreprises MEAS, était en train de lire les journaux comme n’importe quel autre jour ; il sauta quelque peu irrespectueusement les derniers communiqués des divers champs de bataille, esquiva la crise ministérielle, et plongea résolument dans la page économique du Lidové noviny. Il y tira quelques brasses, de-ci, de-là, puis se laissa porter et balancer par les vagues d’une amère rêverie.
    « La crise charbonnière, murmurait-il, l’épuisement des gisements miniers ; das le bassin d’Ostrava voici qu’on arrête l’extraction pour des années. Bon sang, c’est une vraie calamité. Il faudra faire venir le charbon de Haute-Silésie. Qu’on calcule de combien cela augmentera nos prix de revient, et qu’on vienne après cela me parler de concurrence. Nous sommes dans le pétrin ; et si l’Allemagne augmente ses tarifs, nous pourrons fermer la baraque. Et les actions de la Banque Industrielle sont en baisse. Bon Dieu ! Quelle situation impossible. Ah ! Saleté de crise ! »

    Si tu ne connais pas encore Karel Čapek, alors sois heureux·se, car c’est un émerveillement délectable qui t’attend, lectrice, lecteur. La fabrique d’Absolu ne me fera pas mentir, et montre encore une fois à quel point l’homme était brillant et fin connaisseur (pour notre plus grand malheur) de ses contemporains, jusqu’à nous. Tout le monde en prend pour son grade : les industriels bien sûr, mais aussi les universitaires, les chefs d’état, les religieux, les paysans, les communistes. Chacun, en tentant de tirer la couverture à soi, ne voit pas (ou refuse de voir) la bien plus vaste complexité de la situation et creusera la tombe de l’entendement et potentiellement de l’humanité.
    Čapek est fascinant de par l’intelligence et l’acuité de ses propos, portés par un style faussement léger, drôle, bien souvent moqueur. La contemporanéité de son regard et de ses histoires est frappante. Il a su saisir toute la complexité de son époque, jusqu’à la nôtre, sa noirceur, ses grandes questions, ses fardeaux et ses impasses.
    Et lire cela sous sa plume, ironique, noire et hilarante, aide à faire passer l’absurdité du quotidien !

    Traduit du tchèque par Jirina et Jean Danès
    La Baconnière
    294 pages

  • Dieu, le temps, les hommes et les anges – Olga Tokarczuk

    Un matin d’été de 1914, les gardes du tsar arrivent à Antan et emmènent avec eux Michel, le meunier. Geneviève, sa femme, le voit ainsi s’éloigner, sans savoir où, ni combien de temps, avec comme seul savoir que, plus loin, c’est la guerre, et le Tsar emporte tous les hommes au combat.
    Tandis que les hommes se battent, Geneviève continue à dévider les heures et les jours, portant son premier enfant, faisant tourner le moulin, attendant. C’est le milieu de son temps, et le début du temps des autres, de sa famille, de ses voisins, de son village. Car si Antan est un petit hameau calme et paisible, c’est aussi le centre de l’univers, et qui sait quel rôle il joue, alors que le monde bouge, se tord et défile.

    La famille Céleste, issue de Michel et Geneviève, croisera la famille Divin, enfants du père qui passe ses journées perché sur le toit du château, à changer des bardeaux.
    Dans le château, on croisera le châtelain Popielski, obnubilé par ses livres, puis par un étrange jeu que lui prête le rabbin. Un jeu qui déplie l’univers en mondes soumis au bon vouloir de Dieu.
    Dans les bois qui entourent Antan, la Glaneuse règne. Elle y connaît non seulement les secrets de la nature, les plantes, le temps et les légendes, mais elle est aussi sensible au passage du temps sur Antan. Elle ressent les vibrations particulières du village, pressent les événements.
    Parmi les mythes, on croisera un homme-bête, un noyé, une lune vengeresse. Peut-être même tout Antan ? Ou alors rien de tout ça n’est légendaire.

    Antan est l’endroit situé au milieu de l’univers.
    Le traverser d’un pas rapide du nord au sud demanderait une heure. De même, d’est en ouest. Et s’il prenait fantaisie à quelqu’un de faire le tour d’Antan d’une démarche tranquille, en examinant chaque détail, en réfléchissant à chaque chose, cela l’occuperait une journée entière. Du matin au soir.
    À la frontière nord d’Antan s’étale la route qui va de Taszow à Kielce, animée et périlleuse car elle engendre l’angoisse du vooyage. Cette frontière est placée sous la garde de l’archange Raphaël.

    L’expression est un peu galvaudée, mais c’est un roman-monde que l’on a ici entre les mains. Olga Tokarczuk fait de ce petit village d’Antan un creuset dans lequel s’engouffre le temps, l’histoire et les gens. On y suivra le parcours de chacun des habitants du village, du plus central au plus petit, car tous, et ici surtout, toutes, ont laissé quelque chose dans la terre d’Antan et donc dans le tissu du monde. Que ce soit Florentine, qui hurle à la Lune ou Isidor qui découpe le monde en quadruplets, chaque individu amène sa vie, ses sentiments, ses douleurs, sur le chemin que trace Antan.Ce roman fourmille, part dans tous les sens en gardant pourtant toute sa tête, et nous propose à nous de prendre, de garder, d’interpréter. Est-ce le châtelain qui, sans le savoir, gouverne au monde avec son jeu Ignis fatuus ou Jeu instructif pour un seul joueur ? Le père Divin, perché sur les toits, et qui observe avec détachement les malheurs qui s’abattent, a-t-il une responsabilité ?

    Tandis que les années passent, les hommes reviennent de ce qui sera, pour nous, la 1ère guerre mondiale, et reprennent bon an, mal an, le cours de la vie auprès des femmes et des enfants qui continuent à porter le fardeau du quotidien, qui lui ne dévie pas. Puis arrive le moment où d’autres soldats arrivent, arrêtent les Juifs, les exécutent ou les emmènent. Et encore d’autre soldats, puis un autre régime, puis d’autres métiers… les temps se succèdent, continus, sans appellation historique, seulement leur présence au quotidien, leur violence, leur improbabilité et la nécessité d’y survivre.

    Les femmes dans ce roman, sont particulièrement impressionnantes. Elles subissent mais elles avancent, elles savent, elles apprennent, elles tentent de transmettre. Parfois avec succès, parfois non. Mais malgré tout, et en pleine connaissance du fardeau qu’elles portent et que leurs mères avant elles ont traîné, elles s’accrochent. Dans les douleurs de l’enfantement, dans la noirceur de l’incompréhension, dans les affres dévorantes des passions amoureuses. Entières et complexes, les femmes d’Antan portent en leur sein le village et sa (sur)vie.

    Il y aurait encore tant à dire sur Antan, mais je vais conclure en te disant, lectrice, lecteur, que les prochains mots seront les tiens, car je ne veux pas non plus te perdre, alors que ce livre est d’une évidence lumineuse. Il faut lire Olga Tokarczuk, il faut lire Dieu, le temps, les hommes et les anges.

    Traduit du polonais par Christophe Glogowski
    Pavillons poche – Robert Laffont
    400 pages

  • Floralies – István Örkény

    Áron Korom est un jeune réalisateur ambitieux de la télévision hongroise. Pour montrer son talent et sa vision moderne et avant-gardiste, il propose à son supérieur un programme ambitieux, qui devrait révolutionner le petit monde de la télévision : il va filmer la mort de 3 personnes. Il démarche, rencontre et propose à des malades inconnus ou des amis qui profitent un chouïa trop des bonnes choses de les accompagner sur le chemin vers la dernière demeure. Áron veut montrer à ses concitoyens la vraie vérité de la mort, dépouillée de tout artifice, dans sa grande simplicité. Mais la mort elle-même finit par se soumettre aux desideratas de la télévision !

    István Örkény m’avait déjà régalée de son sens de l’absurde dans le plutôt foutraque Les boîtes, qui donnait déjà bien envie d’y revenir (je t’en parlerai sans doute un de ces quatre tiens, ça fait longtemps que je ne l’ai lu !), c’est donc en toute confiance que je me suis saisie de ce Floralies et de son histoire bien tant moderne, pour un récit des années 70 ! Après le déferlement et l’omniprésence de la télé-réalité depuis le début des années 2000, en tant que show mais aussi comme manière de mettre en scène à peu près tout et tout le monde, le sujet semble presque anachronique dans la Hongrie 70’s. Et pourtant…
    Örkény pointe avec malice les manies d’une industrie télévisuelle qui déjà se regarde produire des images qu’elle rêve novatrices et dévastatrices, bouleversantes et addictives, mais aussi d’une société dont les individus, très centrés sur eux-mêmes, voient également leurs intérêts et ne sont pas aussi naïfs et purs que le voudrait Áron. Finalement, qui de la télévision ou de la société est le plus cynique ?

    « Monsieur le ministre,
    Veuillez me pardonner de déranger un homme d’État important et chargé de responsabilités pour une affaire d’allure si insignifiante, mais cela fait trois ans que je travaille à la télévision comme assistant de réalisation, et on ne m’a encore jamais confié aucun programme sérieux ; et quand c’est moi qui fais une proposition, on la rejette. C’est ainsi, par exemple, que l’on vient de me refuser le tournage du documentaire Notre mort.  D’après mes supérieurs, la mort n’est pas un bon sujet, car tout le monde en a peur, alors que d’après moi, nous la craignons précisément parce que nous n’en parlons jamais, et que donc nous ne la connaissons pas. Depuis que le nombre des croyants a baissé et que nous avons perdu la perspective réconfortante de la vie dans l’au-delà, nous pesons à l’inéluctable, impuissants et désorientés, comme à quelque chose d’horrible et d’épouvantable. »

    Court et efficace, ce roman est un vrai plaisir d’humour noir et d’absurde comme l’Europe centrale sait nous en écrire et montre à quel point certaines absurdités modernes l’étaient déjà il y a quelques décennies, et que cela ne nous empêche pas de nous y jeter les yeux fermés…

    160 pages
    Traduit par Jean-Michel Kalmbach
    Éditions Cambourakis

  • Le retour au pays de Jossel Wassermann – Edgar Hilsenrath

    Jossel Wassermann, originaire de Pohodna en Bucovine, a fait fortune en Suisse et y est mort. Il lègue à son neveu une partie de sa fortune, et au shtetl le reste. Il veut aussi que le scribe du village écrive son histoire.
    Mais Jossel Wassermann meurt en août 1939, et quelques mois plus tard, les habitants du shtetl sont poussés dans des wagons à bestiaux, direction l’Est paraît-il. Mais va-t-on quand même à l’Est quand on y habite déjà ? Jankl le porteur d’eau a-t-il bien fait de cacher le testament de son oncle dans sa cour ? Cet héritage lui permettra-t-il d’épouser la fille du cordonnier ?
    Non, bien sûr que non, car il est fort à parier que Jankl, la fille du cordonnier, le cordonnier, et les autres, ne reviendront pas de ce voyage qui les emmène non pas vers l’Est, mais plutôt vers le Nord-ouest, dans la brume et les cendres d’une barbarie dont on devine des contours qu’on essaie d’effacer.
    Sur la route, le rabbin confie les mots des Juifs au vent, et les mots racontent au vent l’histoire du shtetl et l’histoire de Jossel Wassermann, dont les ancêtres posèrent malles et kippa à Pohodna sous le règne de François-Joseph. Famille historique du shtetl, les fils de vie des Wassermann se tissent avec ceux de Pohodna, mais aussi à ceux de l’empire austro-hongrois et des Juifs d’Europe. Ils seront les derniers souvenirs d’un petit village perdu dans l’immensité de l’Europe centrale, plongé dans les fracas métalliques des rages humaines et qui, d’un claquement de talon, disparut.

    Il avait neigé toute la nuit, mais au petit matin, quand les Juifs du schtetl se dirigèrent vers la gare avec leurs baluchons et leurs valises, les nuages s’écartèrent, et un petit morceau de ciel d’un bleu pâle s’ouvrit au-dessus de la gare. C’était très clair. Tout là-haut, le bon Dieu avait percé un trou dans les nuages pour voir encore une fois les derniers Juifs, avant leur départ. Peut-être aussi Dieu voulait-il voir le schtetl une dernière fois car les choses ne seraient plus jamais ce qu’elles avaient été.

    Edgar Hilsenrath nous promène par le bout du nez dans cette histoire douce-amère, au rythme imposé par cet humour piquant, acéré et grave, qui nous plonge dans des montagnes russes d’émotions. La succession d’anecdotes cocasses empreintes de cet humour juif qui cerne si bien l’absurdité des gens et du monde donne au texte cette pesante légèreté de l’histoire dont on connaît la fin avant même de commencer.

    Seul le vent sera là jusqu’au bout, et tentera de porter la parole des Juifs, de trouver du sens à la conservation de ces paroles, à cette transmission, car de quoi est-elle le symbole, si ce n’est de l’espoir que le monde continuera ?

    Traduit de l’allemand par Christian Richard
    Le livre de poche / Le Tripode
    315 pages

  • Le cavalier suédois – Leo Perutz

    Un voleur et un déserteur se retrouvent au bord d’une route, chacun veillant à protéger sa peau pour différentes raisons. Le voleur ne veut pas devenir de la chair à gibet ni tomber entre les griffes de l’évêque. Le déserteur a quitté une armée pour en rejoindre une autre. Suédois, il veut se battre aux côtés de son roi, car le suédois est fait pour la bataille et la gloire. Tandis que le déserteur, Christian von Tornefeld est fat et expansif, le voleur, Piège-à-poules, se montre discret et rusé. Fin connaisseur des dangers de la vie clandestine, il se rêve, comme tout voleur qui se respecte, riche et installé. Il profitera de la naïveté du déserteur pour prendre sa place et s’inventer une vie inaccessible.

    Ils s’étaient tenus cachés tout le jour et, à présent qu’il faisait nuit, ils traversaient une forêt de pins clairsemés. Les deux hommes, qui avaient de bonnes raisons d’éviter les rencontres, devaient veiller à ne pas être vus. L’un était un vagabond, un maraudeur de foire réchappé du gibet, l’autre était un déserteur.

    Entre conte et épopée, Le cavalier suédois nous emmène sur les routes poussiéreuses de Silésie début XVIIIème siècle. Conte cruel et un peu faustien, il nous narre la destinée de ces deux personnages que rien ne rapproche et dont les vies vont pourtant s’entrelacer. Un meunier fantomatique, un évêque brutal et tortionnaire, un amour impossible et une troupe de bandits, tous les éléments du roman d’aventure sont rassemblés ici pour nous emmener dans une balade folle et passionnante. Mais là où Léo Perutz va plus loin, c’est avec cette dimension fantastique, presque mystique, qu’il dépose sur son histoire. On sent qu’on lit au bord du précipice, la question étant qui vacillera, quand et comment.

    Tout cela laisse donc une trainée pleine d’émotion et de mélancolie, de celles qui font qu’une histoire a non seulement su nous toucher mais a su trouver comment nous parler.

    Traduit par Martine Keyser
    Éditions Libretto
    214 pages

  • Sur les ossements des morts – Olga Tokarczuk

    Ancienne ingénieure et enseignante d’anglais dans une petite ville des Sudètes, Janina Doucheyko vivait tranquillement, bercée par les visites de son ami inconditionnel de Blake, sa rédaction d’horoscopes et autres analyses astrales et sa passion pour la nature sauvage et grisante qui l’entoure. Mais Mme Doucheyko est énervée, car cette merveilleuse nature est souillée et ses beaux et sauvages membres, cerfs, renards et autres animaux à fourrure, tués et braconnés par des chasseurs incultes et barbares. Alors lorsque son voisin, braconnier notoire et homme rustre, est retrouvé mort, ouvrant le bal d’autres cadavres de fripouilles du même acabit entourés de traces de pattes et fourrures animales, Mme Doucheyko s’interroge : les animaux auraient-ils décidé de se venger ?

    Gentiment barrée, Mme Doucheyko vit dans son monde, un monde dans lequel les astres guident nos pas, et la poésie de Blake nous emmène dans de belles balades en République Tchèque. Un univers dans lequel la nature est sacrée et les animaux, insectes et tout autres manifestations vivantes non humaines un réceptacle de la puissance et de la beauté du monde. Alors quand les braconniers et les promoteurs copinent et conspirent, elle n’aime pas trop ça. Mais qui pourrait croire que les animaux se vengeraient ? Entourée d’une galerie de personnage marqués et marquants qui sont auréolés de la folie de douce de Janina Doucheyko (on n’a pas idée de s’appeler Janina…), nous nous retrouvons au cœur d’une enquête mystico-politique qui amène à réfléchir sur les thèmes très contemporains que sont la protection de la nature, l’empreinte de l’humain sur la planète et les moyens à donner à la lutte. Avec son côté vieille hippie à tendance new-age, Mme Doucheyko passe pour la lunée du quartier, mais peut-être a-t-elle trouvé la clef de ces énigmes troublantes et inquiétantes.

    Ignare comme je suis, je n’avais pas retenu ce nom (et il faut croire que le gros bandeau « Prix Nobel de littérature » n’était pas assez gros). Mais si l’histoire en elle-même est passionnante, l’écriture d’Olga Tokarczuk nous fait passer un niveau supplémentaire. Les personnages sont ciselés, originaux et très vivants, et la pensée décousue et pourtant tellement structurée de Mme Doucheyko nous enveloppe dans son cheminement, à travers les méandres de ses réflexions assez irrationnelles au premier abord, mais qui prennent doucement de l’épaisseur, jusqu’à nous faire nous demander, à nous aussi « et pourquoi pas ? ». Son excentricité et sa marginalité ne vont à la longue que renforcer le sentiment d’injustice devant non seulement l’incrédulité des autres face au discours de celle qui est surtout vu comme la sorcière du fond des bois, mais aussi et surtout devant l’impunité totale des puissants, les premiers à trafiquer et à braconner, et le rejet de la justice devant les démarches légales lancées à maintes reprises par Mme Doucheyko pour défendre ses convictions.

    Je suis à présent à un âge et dans un état de santé tels que je devrais penser à me laver soigneusement les pieds avant d’aller me coucher, au cas où une ambulance viendrait me chercher en pleine nuit.

    Si seulement ce soir-là j’avais consulté l’éphéméride pour voir ce qui se passait dans le ciel, je ne me serais sans doute pas couchée du tout.

    Roman policier bien ficelé et réflexions poussées sur l’écologie, la domination des élites dans chaque strate de la société et le regard sur les femmes, Sur les ossements des morts est un roman non seulement prenant et passionnant mais aussi très intelligent sur des questions qu’il faut toujours se garder dans un coin de la tête (c’est sans doute pour ça qu’Olga Tokarczuk a décroché ce prix Nobel !).

    Traduit du polonais par Margot Carlier
    Éditions Libretto
    288 pages