C’est l’histoire d’un chien qui accompagne un groupe d’hommes blancs, dans les montagnes et la forêt. Ce groupe d’hommes en cherchent un autre, et le chien doit le traquer. Un « indien ». Mais si le chien, attentif et inquiet, cherche le jeune Mapuche, ce n’est pas pour les mêmes raisons que les hommes.
La manada de hombre tiene miedo. Lo sé porque soy un perro y el olor acido del miedo me llega al olfato. El miedo huele siempre igual y da lo mismo si lo siente un hombre temeroso de la oscuridad de la noche, o si lo siente waren, el ratón que come hasta que su peso se convierte en lastre, cuando wigña, el gato del monte, se mueve sigiloso entre los arbustos.
Es tan fuerte el hedor del miedo de los hombres que perturba los aromas de la tierra humeda, de los árboles y de las plantas, de las bayas, de los hongos y del musgo que le viento me trae desde la espesura del bosque.
El aire también me trae, aunque levemente, el olor del fugitivo, pero él huele diferente, huele a leña seca, a harina y a manzana. Huele a todo lo que perdí.
– El indio se oculta al otro lado del río. ¿No deberíamos soltar al perro? – pregunta uno de los hombres.
– No. Está muy oscuro. Lo soltaremos con la primera luz del alba – responde el hombre que comanda la manada.
La troupe d’hommes a peur. Je le sais parce que je suis un chien et que l’odeur acide de la peur arrive à mon odorat. La peur sent toujours de la même manière, que ce soit un homme qui a peur dans l’obscurité de la nuit, ou waren, le rat qui mange jusqu’à ce que son poids devienne un fardeau, lorsque wigña, le chat sauvage, avance en secret parmi les broussailles.
Traduction Anne-Marie Métailié
La puanteur de la peur des hommes est si forte qu’elle trouble tous les parfums de la terre humide, des arbres et des plantes, des baies, champignons et mousses que le vent m’apporte depuis le fond de la forêt.
L’air m’apporte aussi très légèrement l’odeur du fugitif, mais elle est différente, elle sent le bois sec, la farine et la pomme. Elle sent tout ce que j’ai perdu.
– L’Indien se cache sur l’autre rive. On ne devrait pas lâcher le chien ? demande l’un des hommes.
– Non. Il fait trop noir. On le lâchera aux premières lueurs de l’aube – répond l’homme qui commande la troupe.
Avec ce roman, Luis Sepúlveda veut d’abord rendre hommage aux histoires que lui racontaient ses grands-parents, et notamment un grand-oncle Mapuche. Des histoires de renards, de condors, de chats sauvages et autres animaux, contées aux enfants en mapudungun. Bien que ne comprenant pas la langue, Sepúlveda comprenait les histoires et y trouvait une partie de son héritage, lui-même Mapuche. Il nous ramène donc sur les terres de son enfance, de ses ancêtres, en Araucanie, la terre des Mapuches, des « Gens de la Terre ».
Le chien Afmau, Loyal, a été sauvé par nawel, le jaguar, alors qu’il n’était qu’un pichitrewa, un chiot perdu dans la montagne. Déposé par nawel dans un village mapuche, il grandit auprès de Aukamañ, son frère-homme. Le petit garçon et le chiot deviennent vite inséparable, mais un beau jour, un groupe armé surgit dans le village et bouleverse leur vie. Aukamañ en fuite, le chien est capturé par les hommes blancs. Alors qu’il doit traquer un homme blessé, Loyal reconnaît l’odeur de sa jeunesse et des belles années auprès de son presque frère. Il n’aura de cesse de vouloir le retrouver pour le sauver.
Comme nous l’avions vu avec Histoire d’un escargot… Luis Sepúlveda ne craint pas de raconter la dureté, voire la violence de la vie aux enfants, toujours avec beaucoup de sagesse et de philosophie. Il raconte ici, à hauteur de chien, l’histoire de la spoliation des terres des Mapuches, l’assassinat et la traque des peuples indigènes et leur révolte pour faire valoir leurs droits. Il nous transmet aussi, en parsemant le récit d’Afmau de mots mapudungun, la manière de voir des Mapuches, leur rapport à la terre, à la nature et aux autres. Très critique sans non plus tomber dans l’essentialisation d’un combat nature/civilisation, Sepúlveda décrit l’injustice, le combat pour la vie, l’amitié, la loyauté et l’importance de vivre avec le monde plutôt que contre lui. Tu vas pleurer, lectrice, lecteur, ma küdemallü, mais ce sera beau, comme toujours.
Traduit de l’espagnol (Chili) par Anne-Marie Métailié
Éditions Métailié
98 pages