Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur – Luis Sepúlveda

Dans la prairie vivent de nombreux animaux, bercés par le vent, la rosée et les rayons de soleil. Parmi eux, une petite colonie d’escargots se sent proche du paradis dans la région du Pays des pissenlits, où cette nourriture si délicieuse présente en abondance les enchante. Mais l’un d’eux pourtant, se pose des questions. Pourquoi eux, escargots, sont-ils si lents ? Et pourquoi n’ont-ils pas chacun un nom qui leur soit propre ? Empli de questions et se heurtant au mur de ses congénères, notamment les plus âgés d’entre eux, notre petit escargot va entamer un périlleux voyage jusqu’aux limites du pré pour trouver les réponses à ses questions.

En un prado cercano a tu casa o la mía, vivía una colonia de caracoles muy seguros de estar en el mejor lugar que pueda imaginarse. Ninguno de ellos había viajado hasta los lindes del prado, y mucho menos hasta la carretera de asfalto que empezaba justo donde crecían las últimas briznas de hierba. Y como no habían viajado, no podían comparar y, así, ignoraban que para las ardillas el mejor lugar estaba en la parte más alta de las hayas, o que para las abejas no había lugar más placentero que los panales de madera alineados en el otro extremo del prado. Los caracoles no podían comparar y no les importaba, pues para ellos aquel prado, en el que alimentadas por las lluvias crecían en abundancia las plantas de diente de león, era el mejor lugar para vivir.

Dans un champ près de ta maison et de la mienne vivait une colonie d’escargots certains de se trouver au meilleur endroit possible. Aucun n’était allé jusqu’aux limites du pré et encore moins jusqu’à la route goudronnée qui commençait juste à l’endroit où poussaient les derniers brins d’herbes. Comme ils n’avaient pas voyagé, ils ne pouvaient pas faire de comparaison et, ainsi, ils ignoraient que pour les écureuils le meilleur endroit se trouvait dans la cime des hêtres, ou que pour les abeilles il n’y avait pas d’endroit plus agréable que les ruches de bois alignées à l’autre extrémité du champ. Ils ne pouvaient pas comparer et cela leur était égal, car pour eux ce champ arrosé par les pluies où poussaient en abondance les dents-de-lion – les pissenlits- était le meilleur endroit pour vivre.

Traduction Anne-Marie Métailié

Ahlala, lectrice, lecteur, ma fleur de pissenlit partie dans le vent, quelle histoire que celle de ce petit escargot ! Bien installé au milieu des acanthes et des pissenlits, il n’est pourtant pas serein, traversé par ses questions qui lui semblent primordiales. Menacés d’exil par ses camarades s’il continue à les embêter, il prend le taureau par les cornes (d’escargot) et part de lui-même, décidé à ne revenir que quand il saura. Mais comme un pré, aussi petit soit-il, est un territoire immense à hauteur et vitesse de gastéropode ! Il rencontrera d’abord un hibou, puis une tortue qui, riche de son expérience aussi belle que tragique auprès des humains, saura lui apporter des pistes de réflexion à lui qui, à l’abri de ses pissenlits, ne connaît que peu du monde. Mais ce périple prendra une tournure dramatique lorsqu’il découvrira la terrible menace qui s’apprête à s’abattre sur le pré. Il lui faudra bien tout son courage pour prévenir et convaincre les siens et les autres, et entamer un nouveau voyage vers l’inconnu.

Avec sa poésie légère et profonde, teintée d’une mélancolie qui te mettra la larme à l’œil plus souvent qu’à ton tour, Luis Sepúlveda nous emmène dans un récit initiatique semé d’embûches, de rencontres et d’obstacles, une aventure qui fera émerger chez notre petit héros les valeurs profondes qu’il porte en lui et la violence aveugle de son environnement. Entre rester chez soi les yeux fermés en niant l’inévitable ou tenter malgré tout de se battre et survivre, trouver le courage de s’opposer, de créer quelque chose de nouveau, l’escargot a choisi.

Comme notre petit escargot, gardons bien en tête que de soi-disant défauts peuvent devenir les plus grands atouts, et que c’est en interrogeant le monde ensemble qu’on peut le comprendre.

Traduit de l’espagnol (Chili) par Anne-Marie Métailié
Éditions Métailié
96 pages

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