Le réchauffement climatique a poussé les populations du monde à fuir, et nombre d’entre elles ont trouvé refuge en Antarctique. Sur l’île de Ross a été fondée la ville de Susto. Sur la brèche, la ville vit suspendue à la respiration de l’Erebus et aux palpitations de sa population.
Susto est une ville cosmopolite, on y retrouve des grecs, des japonais, des russes… Tout ce beau monde, descendants des migrants climatiques qui prirent pénates au pied de l’Erebus, échange en espéranto, aime, se bat, s’exploite, cherche du sens, cherche d’autres survivants, plus loin après l’océan. Les frustrations, les rêves et les peurs couvent et grondent et l’Erebus s’en fait l’écho.
Les protagonistes de Susto, héro.ïne.s involontaires d’une destinée incontrôlable, tentent de trouver de la lumière et de l’air dans l’ombre du volcan. Malgré la présence lointaine d’autres colonies de réfugiés sur les terres de Victoria et de Dumont-d’Urville, ils sont seuls, vestiges de sociétés disparues, sourds et aveugles à ce qui peut être advenu sur les continents abandonnés depuis longtemps. Des prophétesses et des vengeurs, des colporteurs et des mineurs, des grands-mères et des petits-enfants, chacun porte en lui son rapport à Susto, à son impermanence, les espoirs et le futur que l’on pourrait y projeter se briseront, quand il le décidera, sur les flancs flamboyants de l’Erebus.
Roman choral poétique, Susto se raconte par tous les moyens possibles : mots, verbes, pages, signes et blancs. La toile de ses habitants nous emmène des hauteurs volcaniques aux profondeurs minières, entremêle les souvenirs de révoltes populaires et d’éruption destructrices, qui, faisant table rase, semble autant une chance de renouveau qu’une chute vers le recommencement. Chacun est porté par ses obsessions : le volcan, des histoires, une filature, un ailleurs, le volcan, une révolution, le pouvoir, l’amour, le volcan. Car c’est bien l’Erebus qui se fait l’exutoire de toute cette vie. Nommé d’après l’expédition Ross, l’Erebus se fait le pouls de cette ville inquiète, en proie à toute sorte d’angoisse qui tantôt la fige et tantôt la pousse à vivre. Signe constant de vie et menace incessante, l’Erebus sera peut-être le châtiment et la libération, qui poussera enfin les Sustoïtes à affronter leurs peurs et leurs désirs.
Ça pourrait commencer aujourd’hui.
Waldmann n’a pas terminé de compiler les mesures du spectromètre.
Le soleil rasant du printemps grlel, qui projette à son tour, sur le cahier noirci de chiffres, un filtre couleur boue.
À l’horloge, c’est déjà l’aube. Laure a oublié son briquet. Waldman l’empoche, s’étire, saisit sa tass et lance un regard hébété à la cour du Cloître, aka l’Université Schakleton.
Dehors, des corneilles. Des feuilles mortes, sur le gravier, raclent comme le couteau contre une pierre à aiguiser.
La Volte
320 pages
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