Stallone – Emmanuèle Bernheim

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En entrant dans cette salle de cinéma pour aller voir Rocky III, Lise ne se doutait pas que sa vie allait changer. Elle en ressort profondément bouleversée par l’histoire de ce champion déchu qui, par orgueil, s’entraîne et se bat pour retrouver la gloire perdue. Et si lui, pourquoi pas elle ?

Quatre… Cinq… Six… Sept… Huit… Neuf… Dix…
Clubber Lang reste au sol.
L’arbitre se redresse.
« Clubber Lang est vaincu par knock-out. Le champion du monde des poids lourds est l’Étalon Italien : Rocky Balboa… »

Des spectateurs applaudirent. Pas Lise. Ses mains restèrent agrippées aux accoudoirs, tellement crispées que le velours lui piquaient les paumes.
L’image se figea. Michel se leva. Il avait déjà sorti ses cigarettes et son briquet.
– Tu viens ?
… Rising up, back on the street, did my time, took my chances…
Lise ne répondit pas. Elle écoutait la chanson.
… So many times, it happens too fast, you change your passion for glory…
– Je t’attends dehors.
… It’s the Eye of the Tiger, it’s the thrill of the fight…
Des spectateurs de sa rangée voulurent sortir, Lise ne se leva pas pour les laisser passer, elle ne se poussa même pas. Ils durent l’enjamber.
Elle ne bougeait pas.

Secrétaire médicale à la colle avec un homme assez oubliable, Lise décide de reprendre ses études de médecine, de quitter Michel et de tout donner pour atteindre ses rêves, portée par l’œil du tigre et allant, année après année, voir chaque nouveau film de Sylvester Stallone, enchantée et terrifiée à l’idée que son idole, l’homme qui avait changé sa vie, puisse un jour ne plus séduire le public et disparaître du grand écran.

Lectrice, lecteur, mon coup de poing, tu as là soixante pages percutantes à tout point de vue. D’humour, de nostalgie, de volonté, de tristesse. Soixante pages d’une efficacité totale qui nous raconte avec un sourire en coin la puissance d’une icône (et pas n’importe laquelle), le besoin de modèle pour se libérer d’une vie fade et aliénante et le combat d’une femme pour atteindre ses désirs. A coups de phrases courtes et intenses, sans détour ni emphase, Emmanuèle Bernheim détourne un symbole de la culture ciné des années 80-90, parfois moqué et souvent caricaturé, et sa plus grande fan française pour interroger l’influence des œuvres sur nos vies et la force que l’on peut y puiser, quelles qu’elles soient.
Un court-métrage, presque, et une nouvelle qui peut-être pourrait changer ta vie, qui sait ?

Éditions Folio
61 pages

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