Je souhaite seulement que tu fasses quelque chose de toi – Hollie McNish

je souhaite seulement que tu fasses quelque chose de toi

Imagine. Tu es posé·e, pépouze, dans un fauteuil, un canapé ou une chaise, comme tu veux, avec un bon thé (ou une bière hein, c’est toi qui vois), des biscuits (Digestive de préférence, ils savent y faire avec le thé), peut-être un chat sur les genoux, un plaid, ou un éventail. Bref, tu es calé·e bien, avec une super copine, et vous discutez. D’anecdotes de la vie, futiles en apparence, mais qui vous emmènent systématiquement vers de plus grands sujets, des qui vous dépassent un peu, mais qui vous embrasent et vous embrassent aussi. Sur les enfants, en avoir ou pas, les éduquer, être parent, être femme, être au monde. Le sexisme banal qui pourrit la vie, voire plus ; la mort ; le rapport à soi, aux autres, le sexe… Tout ça se mêle et s’emmêle, s’entrecoupe mais reste si lié, si brûlant, ponctué de toutes vos histoires à vous, un peu bêtes quand on y pense vite, mais finalement si pertinentes. Vous vous laissez aller, vous emportez, vous questionnez et surprenez.
Tu images bien ? C’est plutôt sympa, non ? Et bien ça existe en livre, et ça s’appelle Je souhaite seulement que tu fasses quelque chose de toi.

Sept manières de lire ce livre
Vous n’avez pas besoin que l’on vous dise comment lire un livre. J’imagine que celui-ci n’est pas le premier que vous lisez. Si c’est le cas, alors j’en suis très honorée et vous souhaite bonne chance. On m’a dit que j’étais facile à lire, aussi j’espère que tout ira bien.
J’écris ceci parce que le livre que vous vous apprêtez à lire est non seulement assez long, surtout pour un livre, disons, poétique, mais aussi parce qu’il s’agit d’une sorte de mixture particulière, composée de journal en prose, d’essais et de poèmes avec également des nouvelles.
Le fait est que j’adore la poésie – c’est ce que j’écris en priorité – mais je n’aime pas moins bavarder et, entre autres passe-temps, la conversation est sans doute ce que je pratique le plus. Pour ce qui est de la lecture, le non-romanesque a ma préférence, tout ce qui ne relève pas de la fiction.
Si un poème est « assez bon », il doit pouvoir se suffire à lui-même sans que le lecteur ou auditeur, lectrice ou auditrice aient besoin qu’on leur fournisse une anecdote ou une explication. Je crois cela, et j’espère que les poèmes de ce volume possèdent leur propre indépendance s’ils doivent être lus par eux-mêmes. Et pourtant, quand je lis un poème écrit par quelqu’un d’autre, j’apprécie vraiment d’en savoir un peu plus à son sujet. Aux lectures publiques, il m’arrive d’aimer autant la présentation du poème que le poème lui-même.

Dès son introduction, Hollie McNish pose les choses : ce livre est une conversation dont on prend ce que l’on veut comme on le veut. Un peu comme un « Livre dont vous êtes le héros » mais de poésie. Elle y découpe sept thématiques : fins, grandir, parentalité, miroirs, masturbation, sang, étrangers, qui chacune se composent de poèmes et de récits en prose, anecdotes et réflexion qui introduisent un poème, sorte de bande-annonce passionnante de ce qui suit. Elle le pose d’emblée, on en lit ce que l’on veut, dans l’ordre que l’on veut. Juste les poèmes qui se suffisent à eux-mêmes, que les récits, historiettes de vie pleines de rebondissements et de réflexions dont le fil tiré nous emmène toujours plus loin dans l’analyse. Je pense qu’il est impossible de ne lire que la prose, tellement celle-ci est un tremplin vers les poèmes et nous attire vers eux. Et ne pas lire la prose serait dommage, car en effet Hollie McNish est facile à lire. Elle manie merveilleusement bien l’art de la conversation à l’écrit et on s’imagine bien être en train de tailler le bout de gras, dans ces conversations qui commencent légèrement et finissent par refaire le monde et retourner la société. Elle est également très très drôle, et ce cumul de talents imprimé sur papier en font un livre épais qu’on ne peut pas lâcher et qui se dévore.
Elle raconte les conversations gênantes et curieuses avec sa grand-mère, les commandes de poèmes pour des grandes marques diverses et certaines aberrations marketing, la joie de l’achat d’une culotte menstruelle qui change la vie, l’illogisme des règles vestimentaires dans les lycées et dans la société, les injonctions liées à la parentalité, les préjugés banals que nous avons toustes sur toustes. Le rapport à l’image et au sexe que nous renvoie les médias et les milliers d’images qui nous assaillent au quotidien et leurs contradictions totales avec certaines règles, dissonance cognitive complète et complexe à surmonter, l’insécurité seule dans le métro quand un inconnu nous colle. Différents types de masturbations intransitives à connaître. Bref, des choses importantes et d’autres indispensables.

Si tu aimes Klaire fait Grr, je pense que tu t’y retrouveras complètement avec Hollie McNish. Si tu aimes la poésie aussi. Si tu es féministe. Si tu es énervée. Si tu as tes règles ou si tu ne les as pas. Si tu as perdu une grand-mère ou si tu bavardes avec elle pendant des heures. Si on te regarde bizarrement dans la rue ou si on te demande d’être plus discrète. Si tu fais du sport. Si tu as des enfants. Ou si pas. Si tu as une vulve. Ou si pas. Si tu manges ou a mangé des céréales de la marque Kellogg’s. Si tu ne sais pas comment t’habiller ce matin. Si, si, si…

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Valérie Rouzeau & Frédéric Brument
Le Castor Astral
477 pages

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