Les étoiles ne fileront plus – Élodie Serrano

les étoiles ne fileront plus

Camille travaille depuis longtemps sur un étrange phénomène qui provoque accidents et agacements. Il semble que, par moments, la voûte céleste se déplace, prenne épaisseur, et heurte les vaisseaux spatiaux qui traversent le vide galactique. Camille, astronome et cryptozoologue, en est persuadée, il s’agit là d’un être vivant. Alors quand elle découvre l’existence de gigantesques baleines constellées d’étoiles qui sillonnent le ciel, tout bascule.

[…] Là où les étoiles bougent, d’aucuns s’extasient. Moi, je cherche à comprendre. Et à découvrir ce qui se cache derrière. J’ai toujours été curieuse et, après tout, qu’est-ce que la science, si ce n’est la forme de curiosité la plus absolue ? […]
Extrait de « Journal intime de Camille Grandbois », éditions La Baleine, 2789

*
– J’ai un truc juteux pour toi !
Je relevai la tête de mes documents, un monceau de données astronomiques, et offris un grand sourire à Sarah, ma collègue de labo. Elle n’exagérait jamais rien, alors son annonce me mettait de bonne humeur avant même de savoir de quoi il retournait.
– Oh, je peux essayer de deviner ? m’exclamai-je.
Sarah secoua la tête.
– Tente toujours, mais je doute que tu trouves.
Je me grattai la tempe du bout de l’index. Quelle nouvelle juteuse pouvait bien m’amener Sarah ?

Ces incroyables êtres, qu’on pourrait qualifier d’animaux, de créatures indubitablement vivantes, sont attirés par les hauts sommets, les roches, le métal, le verre et se complaisent à frôler et se frotter aux plus hauts sommets des massifs de la galaxie. Mais l’expansion de la présence humaine et sa propension à construire des immeubles de plus en plus haut vient perturber ces nageuses célestes, qui déclenchent catastrophes et effrois en détruisant les plus hautes tours des villes coloniales. Pour Camille, sa femme et son équipe de recherche, la mission change et passe de la compréhension et l’analyse d’une nouvelle espèce à sa préservation coûte que coûte.

Novella qu’on qualifiera sans trop hésiter d’écologiste, Les étoiles ne fileront plus nous montre toutes les facettes des luttes pour la protection des espèces animales. Riche de sa propre expérience, l’autrice (qui a fait des études vétérinaires et a travaillé sur le loup (dans les littératures de l’imaginaire) pour sa thèse), parvient à illustrer dans ce court texte les contradictions et l’arrogance humaine dans son rapport au vivant. Après avoir dévasté la terre, on comprend la leçon non apprise et le besoin de rester seul maître à bord, décidant de la manière dont l’environnement devrait interagir et s’adapter (ou disparaître) à son désir d’expansion. Mention particulière à « l’annexe » qui suit et prolonge l’histoire, qui donne à voir l’évolution du sentiment vis-à-vis de ces baleines et des mesures prises pour leur survie, comment se transmet une mission, une charge, un combat de la vie d’une seule personne aux générations suivantes, qui n’ont plus le même rapport à cette histoire. Le livre se conclut, pour boucler la boucle, sur un essai de l’autrice au sujet du loup et de l’évolution de notre rapport à celui-ci, venant théoriser, en sorte, le propos de son livre.

Un court récit prenant et fouillé qui ne rassure pas sur nos propensions destructrices et dominatrices (en même temps, y a t-il vraiment matière à être rassuré-e ? Non, hein, c’est la merde. Vivement le collapse). Tu pourras rebondir sur le sujet, s’il t’intéresse, lectrice, lecteur, ma Nyctophilus howensis, tu peux aller jeter un œil ici à ma chronique de La grande ourse, de Maylis Adhémar.

Éditions Goater
140 pages

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