Le peuple des ténèbres – Tony Hillerman

Jim Chee est flic pour la police tribale navajo. Il sillonne la réserve et a sous son autorité les délits et petits crimes, le reste relevant soit du shérif du comté, soit du FBI. Quand il est appelé pour un vol pour lequel aucune plainte n’a été déposé et le voleur probablement connu, il prévient néanmoins ledit shérif, car la « victime » n’est autre que Benjamin Vines, le richissime entrepreneur de la région. Hospitalisé, celui-ci ne sait pas encore que son coffre a disparu, c’est sa femme qui s’en inquiète et ne veut pas l’inquiéter. Jim Chee décide de creuser cette histoire étonnante, car ce n’est pas pour rien de Rosemary Vines a fait appel à la police tribale Navajo

Pour ce travail, il faut attendre que les cultures se développent, que les toxines soient sécrétées, que les anticorps se forment, que les réactifs agissent. Et pendant cette attente, la bactériologiste approchait son fauteuil roulant des fenêtres et contemplait le monde en dessous d’elle. En bas, le monde, c’était le parking du Centre de Recherche et de Traitement du Cancer, le bâtiment voisin du Laboratoire des Maladies Transmissibles sur le campus de l’Université du Nouveau-Mexique Nord. C’était un parking pris d’assaut où les places étaient chères et, alors que cela faisait plus d’un an qu’elle le contemplait, la bactériologiste s’était aperçue qu’elle en connaissait parfaitement les us et coutumes. Elle savait quand les distributrices de contravention effectuaient leur ronde des parcmètres et combien de temps il fallait d’ordinaire au camion de la fourrière pour arriver, le genre d’infraction qui entraînait cette punition suprême et quels étaient les véhicules susceptibles de se garer de manière illicite. Elle était même au courant d’une histoire d’amour qui semblait s’être déclarée entre la propriétaire d’une Datsun et celui d’une Mercedes décapotable bleue qu’il rangeait sur la place réservée à l’un des administrateurs haut placés.

Rosemary est persuadée que le vol du coffre aux souvenirs de BJ est relié au peuple des ténèbres, un culte navajo lié à la prise de peyote, et avec lequel son mari a frayé voilà plusieurs décennies. Bien évidemment, Jim découvrira de multiples ramifications à cette affaire, une explosion sur un puits de pétrole 40 ans plis tôt, des morts étranges, et une jeune institutrice blanche qui n’a pas froid aux yeux.
Le jeune Jim est pour sa part à un carrefour de sa vie. Il a réussi l’examen d’entrée au FBI et est donc attendu quelques semaines plus tard à Albuquerque pour sa formation. Mais il hésite. Il a en son cœur un lien fort avec son peuple et ses traditions, sa religion, et aimerait peut-être devenir un yataali, un chanteur, pour sa tribu. En attendant de se décider, entre le monde de l’homme blanc et celui de son peuple, il observe, il enquête, il essaie de comprendre le fonctionnement de cette civilisation surprenante et assez incompréhensible qui a pris les terres de ses ancêtres.

On trouvera dans ce roman noir tous les classiques du genre. Des policiers possiblement véreux, des industriels pourris, un fond de complot ancien et des tueurs à gage. Mais le tout est réhaussé d’une spécificité qui ajoute beaucoup d’intérêt à cette historie déjà bien ficelée : nous sommes chez les Navajos. Et l’auteur en connaît un rayon, sur les Navajos. Bien que blanc, il les a côtoyés suffisamment pour connaître leurs modes de vies, leurs traditions, leurs coutumes et devenir citoyen d’honneur. On en apprend donc beaucoup pendant ce roman. D’autant que le jeune Jim Chee est un Navajo plutôt traditionnaliste. S’il garde un œil d’ethnologue sur l’homme blanc, sa formation de policier vient heurter certaines de ses sensibilités. Entre réflexions rationnelles ou spirituelles, pistes logiques ou intuitives, rationalité blanche ou navajo, Jim Chee comprend que vivre entre les deux mondes est un objectif presque impossible, et qu’un choix devra être fait.

Un polar extrêmement prenant et bien construit qui nous emmène de manière passionnante dans la réserve Navajo, avec intelligence, respect et passion !

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Danièle Bondil et Pierre Bondil
Rivages/Noir
258 pages

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *