Amanda et sa fille Nina passe leurs vacances à la campagne. Le papa doit les rejoindre plus tard, et en attendant, elles profitent. Elles croisent un beau matin Carla, dont le fils couve une étrange maladie. Amanda va commencer à ressentir une menace sourde et inquiétante planer, mais peut-être est-il déjà trop tard…
C’est comme des vers.
Quel genre de vers ?
Comme des vers, partout.
C’est le garçon qui parle, il me dit les mots à l’oreille. Moi, je pose les questions. Des vers sur le corps ?
Oui, sur le corps.
Des vers de terre ?
Non, un autre genre de vers.
Il fait noir et je ne vois rien. Les draps sont rêches, ils plissent sous mo corps. Je ne peux pas bouger, dis-je.
C’est à cause des vers. Il faut être patient, et attendre. Et en attendant, il faut trouver l’endroit précis où surgissent les vers.
Pourquoi ?
Parce que c’est important, c’est très important pour tout le monde.
Je tente d’acquiescer, mais mon corps ne répond pas.
Que se passe-t-il d’autre dans le jardin de la maison ? Je suis dans le jardin ?
Le petit David a beaucoup changé, depuis une crise de fièvre et la mort d’un cheval. Y aurait-il un lien ? Toujours est-il que la lourdeur poussiéreuse du soleil laisse un goût de putréfaction dans la bouche et une sueur froide sur la peau. Carla est inquiète et Amanda fascinée. La beauté magnétique de sa nouvelle amie se mêle à l’atmosphère vénéneuse de son inquiétude et de l’histoire qu’elle raconte.
En peu de pages et peu de mots, cette inquiétude devient nôtre et la frayeur se fraie un chemin le long de notre colonne vertébrale, se glisse dans les réseaux neuronaux et ressort en chair de poule et en creux à l’estomac. Que se passe-t-il donc dans ce village ? Quel est ce danger qui guette, qui est déjà là ? Existe-t-il une distance de secours suffisamment courte pour qu’un parent puisse, quoi qu’il se passe, protéger son enfant, surtout quand on ignore la source du mal ?
Un dialogue se construit entre tous ces personnages, qui retrace le passé pour essayer de sauver ce qui peut encore l’être, s’il n’est pas trop tard.
Court mais d’une terrifiante efficacité, ce roman de Samanta Schweblin se construit en enquête progressive, rétroactive, anticipatrice. Elle déconstruit le temps en superposant les moments et distille une peur atavique, celle d’une maladie, d’une contamination inconnue et insaisissable, d’une aliénation lente et inexorable du du corps, d’une terre, d’une société, la fuite impossible.
On en sort séché·e, retourné·e, brassé·e, preuve s’il en fallait du talent de Samanta Schweblin à nous attraper par la moelle épinière pour un grand moment d’angoisse que l’on aura du mal à quitter !
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Aurore Touya
Éditions Gallimard
121 pages