Marcher vers son essentiel – Pauline Wald

marcher vers son essentiel

En 2017, épuisée, Pauline Wald plaque tout : la promotion, le boulot dans la finance, l’appartement à Paris. Elle retourne dans sa famille, à Strasbourg, remplit son sac à dos et se met en chemin. Et le chemin qu’elle choisit, c’est le GR 65, le GR à la coquille, celui qui traverse la France en diagonale et l’Espagne en ligne droite, jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle.

Janvier 2021
J’entends le bruit des vagues depuis mon appartement. Je viens d’atteindre Sagres, dans le Sud du Portugal. Comme à chaque arrivée dans un nouvel endroit, j’ai besoin d’un temps d’adaptation. Mes repères extérieurs ont changé, ceux de l’intérieur ont besoin de s’habituer. Je viens de parcourir plusieurs centaines de kilomètres rapidement, en bus ; mon corps n’a pas encore pris ses marques.
Ma première mission de la journée est d’aller faire des courses au magasin le plus proche, qui est à trois quart d’heures de marche. Le trajet, sous un soleil au zénith, est long et éreintant. J’essaie d’arrêter des voitures en levant le pouce. Tant de voitures ne transportant qu’un seul passager vont dans la même direction.
Personne ne s’arrête.

Lectrice, lecteur, je sais, je ne t’ai pas habitué-e à parler de livres de ce genre, des récits de vie, des témoignages, surtout quand ils touchent au spirituel. Je ne suis pas une habituée non plus, à vrai dire. Mais voilà, déjà, ce livre, c’est mon papa qui me l’a offert, ce qui est une première excellente raison pour le lire. Et puis, s’il me l’a offert, ce n’est pas par hasard, c’est parce qu’en août 2023, j’ai fait mes premiers pas sur le chemin qui me mènera moi aussi, je l’espère, à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Nos expériences du Chemin sont différentes, et pourtant il y a tant en commun. Je n’ai pour l’instant marché que 250 km, 11 petits jours quand Pauline Wald a passé 4 mois sur la route. Mais il y a une synchronicité, il y a cet esprit qui s’agite, cette magie qui s’incarne. Ce qu’elle raconte, je l’ai ressenti, à mon niveau, avec des interprétations différentes bien sûr, -nous n’avons pas le même vécu, nous ne sommes pas parties marcher pour les mêmes raisons-, mais la thérapie par le chemin, cette randonnée tant pédestre qu’intérieur, cette impression que le Chemin nous amène ce dont nous avons besoin, les rencontres qui arrivent au bon moment… Alors bien sûr, tu vas me dire qu’il n’y a pas vraiment de magie, et je sais bien.
Mais quand même.

Ce que raconte Pauline Wald, c’est que le chemin vers Saint-Jacques n’est pas une randonnée comme les autres, chacun-e y part pour une raison, chacun-e créé son chemin, se confronte à soi-même aidé par la route et par les autres. Jour après jour, on recommence, on pense, on pleure, on rit, on parle et on écoute. Et c’est tout ça qui créé cette magie : retrouver une connexion simple et entière avec les personnes qui orbitent autour de nous, sans rapport de force, sans attentes particulières. Réussir à se détacher du quotidien, en créer un autre loin de nos habitudes, de ces fausses échappatoires, pour avoir ce luxe de se recentrer sur l’essentiel, loin des parasitages constants des RS, du travail, des pressions et injonctions (les autres, les nôtres). Un luxe, oui c’en est un. Tout le monde ne peut pas partir 2, 3 mois. Tout le monde ne va pas jusqu’à Saint-Jacques. Mais finalement, qu’est-ce qui est important, l’arrivée, ou le Chemin ?
Il n’y a pas de fin, pas de durée, pas de manière de bien faire. Pas de vrai-es ou de fau-sses pèlerin-es. On y croise toutes sortes de gens, on y a toutes sortes de pensées, on ne rentre pas meilleur-e, car là n’est pas la question, mais plus ouvert-e à ce qui se trame autour, à même de décomposer les événements comme des kilomètres et relativiser, questionner nos peurs, nos attentes, nos désirs…
Pauline Wald et ses compagnes et compagnons de route, à qui elle donne la parole, témoignent de ce que le chemin leur a apporté. Avec parfois une approche plutôt spirituelle, voire religieuse qui me touche moins, mais cela ne change rien au fond, iels racontent leurs motivations, leurs difficultés et leurs espoirs.

Chaque expérience est unique mais mettre un pied sur le GR à la coquille, c’est rejoindre une toile qui marque, entamer une route qui va au-delà de la Galice, car c’est à la fin du pèlerinage que commence le chemin.

Éditions Eyrolles
302 pages

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *